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Une génération face au numérique sans boussole

Illustration d’un enfant utilisant un smartphone sans éducation numérique, entouré de symboles d’applications, réseaux sociaux et notifications envahissantes.

Aujourd’hui, de nombreux parents observent, souvent avec impuissance, que leurs enfants consomment des contenus discutables sur les réseaux sociaux. Ce constat soulève une question centrale : où est passée l’éducation numérique ? Car ce ne sont plus les enseignants ou les familles qui modèlent l’imaginaire des jeunes, mais des influenceurs. Ces derniers, parfois dénués de cadre, de formation ou d’éthique, captent leur attention et influencent leur comportement. Pourtant, les torts ne peuvent pas être imputés uniquement à ces créateurs. La responsabilité est collective : familles, écoles, institutions, plateformes et décideurs ont tous un rôle à jouer dans cette dérive.

Un écran qui remplace la présence parentale

Il est de plus en plus courant de voir des enfants très jeunes utiliser des tablettes ou smartphones. Cette réalité n’est pas anodine. Les écrans servent de substitut à l’attention parentale. Ils permettent aux adultes de souffler, de gérer le quotidien ou de retrouver un semblant de calme. Pourtant, cette solution de facilité pose une vraie question : est-ce vraiment bénéfique pour le développement cognitif des plus jeunes ?

Autrefois, les enfants s’ennuyaient, jouaient, inventaient. Ils se débrouillaient sans outils numériques, et cela ne nuisait ni à leur autonomie ni à leur curiosité. Aujourd’hui, les smartphones servent souvent de lien rassurant pour les parents. Ils permettent de localiser ou d’appeler à tout moment. En réalité, ce lien est fréquemment illusoire. L’enfant ne décroche pas, ou répond de façon distante, voire irrespectueuse. La connectivité n’a pas renforcé le lien familial, elle l’a parfois affaibli.

Peur ambiante, surprotection et démission éducative

Nous vivons dans une époque marquée par une culture du risque. La peur des accidents, des agressions ou de l’échec alimente une attitude de surprotection parentale. Par crainte, les adultes cèdent. Ils équipent les enfants de smartphones dès le plus jeune âge, installent quelques applications « éducatives », sans réelle réflexion. Ce qui semble prudent est souvent une forme de démission éducative.

Certes, l’État tente d’apporter des réponses : réglementation des âges, dispositifs de contrôle parental, bridage de certaines applications. Toutefois, ces mesures restent inefficaces si elles ne sont pas accompagnées de pédagogie. Faute de formation, les parents ne savent pas utiliser ces outils. Et pendant ce temps, les enfants apprennent à les contourner. En quelques clics, ils maîtrisent VPN, redémarrage système, désactivation de restrictions ou changement de comptes.

Une génération de parents non formés, une jeunesse laissée seule

Entre la génération X et la génération des milléniaux, peu de parents ont reçu une véritable formation numérique. Les premiers ont découvert l’informatique tardivement, souvent dans un cadre professionnel. Les seconds ont grandi avec Internet, mais sans en comprendre les fondements techniques ni les implications éthiques. Naviguer sur les réseaux, installer une application ou remplir un formulaire en ligne est à leur portée. En revanche, comprendre la mécanique des algorithmes, la captation de l’attention ou les enjeux de souveraineté numérique dépasse souvent leur champ de connaissances.

Dans ce contexte, comment éduquer au bon usage des écrans ? Comment transmettre des repères à ses enfants lorsqu’on ne les possède pas soi-même ? L’État, de son côté, continue de digitaliser ses services. L’accès aux droits, les démarches administratives, la scolarité ou la santé passent désormais par des interfaces numériques. Ceux qui n’en maîtrisent pas les codes sont exclus. Ils le sont comme éducateurs et comme citoyens.

Influenceurs, plateformes et disparition de l’éthique

Il serait irresponsable de ne pas évoquer le rôle grandissant des influenceurs. Certains sont pédagogues et bienveillants, mais beaucoup s’adressent aux jeunes avec des messages toxiques ou déformés. Ce sont eux que les adolescents écoutent. Ce sont eux qui dictent les comportements, et non plus les adultes référents.

Pourquoi ce glissement ? Parce que ces créateurs maîtrisent les codes de l’algorithme, et que ces algorithmes privilégient ce qui choque, ce qui provoque, ce qui fait cliquer. Les plateformes, de leur côté, ont un objectif unique : maximiser l’engagement. Plus un enfant passe de temps à scroller, plus il rapporte. Peu importe le contenu. Peu importe les conséquences. L’éthique s’est effacée au profit du rendement.

Avec l’arrivée de l’intelligence artificielle générative, cette logique ne fera que s’accélérer. Le contenu sera plus ciblé, plus intrusif, plus difficile à détecter. Et surtout, il s’adaptera aux fragilités individuelles, rendant chaque enfant encore plus vulnérable.

Former plutôt que punir

Face à cette dynamique, la solution ne peut pas se limiter à la répression. Interdire ne suffit pas. Filtrer n’est qu’une réponse partielle. Ce qu’il faut, c’est éduquer. À grande échelle. Dès le plus jeune âge. Et surtout, inclure les parents et les enseignants dans cette démarche.

Les enfants doivent comprendre le fonctionnement d’un réseau, d’un système d’exploitation, d’un algorithme. Ils doivent apprendre à repérer les biais, à différencier une information d’une manipulation, à choisir ce qu’ils consomment. Et pour cela, ils ont besoin d’adultes formés, lucides, capables de les guider.

Ce n’est pas en construisant des murs numériques que l’on protège les enfants. C’est en leur donnant les clés de compréhension. Ce n’est pas en confisquant les téléphones que l’on crée des citoyens éclairés. C’est en leur transmettant un cadre, une méthode, une conscience critique.

Un sursaut nécessaire

Donner un smartphone à un enfant de huit ans sans aucun accompagnement, sans éducation numérique, revient à le placer devant une machine complexe sans lui fournir le mode d’emploi. Le danger ne vient pas de l’outil, mais de l’absence d’encadrement.

Aujourd’hui, les jeunes sont connectés, mais déconnectés de la logique qui gouverne leur monde numérique. Ils subissent ce qu’ils devraient apprendre à maîtriser.

La responsabilité est collective. Et chacun doit y prendre part : les familles, les écoles, les plateformes, les pouvoirs publics. Il est encore temps d’agir. Mais cela demandera un changement de cap, un effort concerté, un vrai courage politique et éducatif.

Sans cela, nous aurons une génération dépendante, passive et manipulable. Et c’est toute notre société qui en paiera le prix.

Je suis développeur web de formation, avec un gros bagage en autodidacte, et un pied dans le monde de l’IT au sens large : web, DevOps, systèmes, automatisation... Je suis pas du genre à rester bloqué sur un seul outil ou langage : j’aime comprendre ce que j’utilise, aller au fond des choses et mettre les mains dans le cambouis quand il faut. J’écris comme je pense : sans détour, sans flamme, mais avec du vécu. Je parle d’éducation numérique, de dépendance à l’IA, de réflexes qui foutent en l’air notre capacité à réfléchir. Et je le fais pas pour buzzer, mais parce que je vois les dérives tous les jours, et que j’ai pas envie qu’on laisse ça passer comme si de rien n’était. Pas besoin d’être expert pour comprendre ce que je dis. Mais faut être prêt à entendre des choses qu’on n’a pas envie d’assumer.

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